Pourquoi avez-vous souhaité, cette année, centrer le prix sur des artistes que l’on peut qualifier comme appartenant au mouvement de l’Art brut ou outsider ?
Il ne s’agit pas d’un effet de mode, car depuis longtemps nous regardons ce type de créateurs qui cultivent un sens du dessin, du trait et un besoin de communiquer leur vision du monde d’une manière totalement unique. Par ailleurs, nous avions déjà acquis des oeuvres de Luboš Plný, qui réalise un travail d’une rigueur et d’une précision absolues, interrogeant son rapport au langage et au corps. Cela rejoint notre passion pour le dessin représentant un geste premier, totalement magnifié par ces artistes. Il s’agit souvent de leur principal moyen d’expression, sans aucun filtre, et l’on peut penser que l’art des hommes préhistoriques dégageait la même intensité. Les trois artistes nommés témoignent, également par leur caractère obsessionnel et compulsif, d’une sensibilité rare. .
Comment avez-vous d’ailleurs choisi Pascal Leyder, Mehrdad Rashidi et Melvin Way, les trois nommés de cette année ?
Comme précédemment, ce sont les membres de notre comité de sélection qui les ont désignés, confortés par de nombreuses conversations avec Bruno Decharme, collectionneur d’Art brut depuis plusieurs décennies.
Puis nous sommes allés à La “ S ” Grand Atelier, à côté de Liège, un centre pour l’Art brut qui aide grandement ces créateurs. Donc nous avons réalisé, comme d’habitude, des visites d’ateliers, des recherches sur les artistes et les oeuvres, pour lesquelles chacun donnait ses impressions.
Peut-on dire qu’il s’agit, finalement, d’un assentiment d’ordre esthétique et formel ?
Même si nous nous sommes intéressés, bien entendu, aux histoires personnelles, nous nous sommes laissés séduire par les feuilles, en effet… Les ports de Pascal Leyder nous font voyager et nous conduisent à Venise ou au temps des gravures du XVIIIe siècle, quand Mehrdad Rashidi construit des personnages fascinants, liés à des éléments naturels, sur des supports très variés. On peut y voir des inspirations de miniatures persanes. Melvin Way travaille, quant à lui, sur des cartes et des petits formats qui nous mènent vers un monde presque informatisé et déshumanisé. C’est très perspicace.
Ne sera-t-il pas d’autant plus difficile de juger et départager ces artistes ?
C’est une édition de notre prix de dessin qui va toucher particulièrement les sensibilités de chacun. Notre jury comportant deux collectionneurs d’Art brut et deux psychiatres, les débats promettent d’être intenses ! Mais nous revenons vraiment à l’oeuvre et à ce qui y est représenté, soit à l’essence même du dessin. Cela renvoie également au sentiment que l’on éprouve quand on découvre un artiste que l’on ne connaît pas et qui peut engendrer un coup de coeur spontané, sans aucun a priori préalable !
Textes Marie Maertens
16° Prix de dessin de la Fondation d’art contemporain Daniel & Florence Guerlain.
artiste belge né en 1988 à Bastogne.
Il arrive à La “ S ” Grand Atelier, à Vielsalm en Belgique, en 2008, à la suite d’un stage scolaire et fréquente désormais régulièrement son atelier d’art plastique. Il participe aussi au projet « Choolers Noise Project », au sein duquel il dessine en live, accompagné d’une musique bruitiste.
Ses oeuvres sont dans les collections du Lam (Lille), du musée du Docteur Ghuislain (Gand), du Museum of Everything (Londres), du musée des Arts modestes (Sète), de la Collection abc (Montreuil).
Ses dessins sont régulièrement publiés dans des ouvrages collectifs d’illustration et de graphisme, notamment par les éditions Le Dernier Cri et Frémok.
Artiste Iranien, né 1963 à Sari,
Il quitte l’Iran à l’âge de 20 ans, traverse le Pakistan puis l’Afghanistan, avant d’arriver en Russie où il étudie le journalisme. Il s’installe en Allemagne en 2006 et, aujourd’hui, vit et travaille près de Düsseldorf. Bien qu’il dessinât enfant, il ne recommence à exercer cette pratique qu’en 2006.
En 2013, il reçoit le Grand Prix Award for Marginal Art à la 16e Biennale d’art naïf et marginal de Belgrade et participera à la 3e Triennale de Jagodina (Serbie). Son oeuvre fait partie de la Collection de l’Art brut (Lausanne) ainsi que de la donation Bruno Decharme au Mnam-Centre Pompidou.
Représenté par la galerie Henry Boxer (Richmond).
artiste américain, né en 1954 en Caroline du Sud.
Confié à un parent de sa famille, il grandit à Brooklyn, où il débutera au Technical Career Institute des études qu’il ne poursuivra pas. Après un parcours chaotique, il commence à dessiner à la fin des années 1980. Aujourd’hui, il vit à Brooklyn.
Son oeuvre fait partie des collections du MoMA (New York) et du Smithsonian (Washington), mais aussi de la collection abcd (Montreuil), de la Collection de l’Art brut (Lausanne), de l’American Visionary Art Museum (Baltimore), de la Collection Treger Saint Silvestre (Porto) ainsi que de la donation Bruno Decharme au Mnam-Centre Pompidou (Paris).
Représenté par les galeries Andrew Edlin (New York) et Christian Berst (Paris).